Ah l'ouverture

L'ouverture est un mot magique dans l'esprit de nombreux pêcheurs. Ce mot porteur des plus grands espoirs a peut-être perdu un peu de sa superbe. Il n'y a pas si longtemps ou pour moi ce jour était attendu comme la Noël par les enfants. L'espoir d'une journée en dehors de la routine faisait naître chez moi une activité fébrile qui démarrait bien avant la date fatidique.

Plusieurs jours avant, je commençais à sortir les cannes et les boites à pêche ...

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L'ouverture est un mot magique dans l'esprit de nombreux pêcheurs. Ce mot porteur des plus grands espoirs a peut-être perdu un peu de sa superbe. Il n'y a pas si longtemps ou pour moi ce jour était attendu comme la Noël par les enfants. L'espoir d'une journée en dehors de la routine faisait naître chez moi une activité fébrile qui démarrait bien avant la date fatidique.

Plusieurs jours avant, je commençais à sortir les cannes et les boites à pêche, sans rien chercher si ce n'est un moment de rêve et d'évasion souvent provoqué aussi par l'ouverture d'un placard dont j'étais le seul à détenir l'accès. Ses portes s'ouvraient sur un monde que dans cette maison j'étais seul à pénétrer: le monde de la pêche.

Le temps passant,la date approchant il devenait urgent de préparer le matériel,ou du moins de le réviser. Là, le soir délaissant la sacro-sainte télévision dont les programmes me désolent, toutes sortes de montures, de plombées, de bas de ligne étaient élaborées. Rien ne devait être laissé au hasard, prévoir deux techniques au cas où. Ranger et déranger ces objets participent au rêve et fait patienter. Ces gestes parfois inutiles me sont encore familier aujourd'hui lorsque je suis en manque d'action de pêche. Ne rien négliger, se procurer le permis, les vers de terre. Sont ils bien ferme après leur séjour dans le marc de café? Les vairons sont-ils toujours aussi vifs que lors de leurs achats il y a quelques jours? Toutes ces choses qui vous occupait les méninges et entretenaient un état d'esprit évasif.

Mainte fois rabachée la veille de l'ouverture où le matériel était aligné, prêt au départ , les casses-croutes de bûcherons alignés dans la vieille musette kakie, lu et relu,les derniers magazines, moins nombreux qu'aujourd’hui mais tout aussi passionnant où les vieilles mains nous ressassait trop souvent le dernier mode de pêche pour faire l'ouverture.

Autre chose à gérer : le sommeil, le soir l'excitation était à son comble, et même en se couchant tard le sommeil était difficile à trouver: vision de poissons scintillants et colorés délicatement posé dans l'herbe gelée, car à cette époque il glaçait parfois début mars.

Réveil trop tôt, levé rapide, éviter de faire du bruit, s'habiller hors de la chambre pour ne pas réveiller l'épouse totalement indifférente à ce remue-ménage, faire tomber sur le sol de la cuisine la casserole qui doit servir à chauffer le café, et finir d'alerter la maisonnée en se payant de plein fouet une porte seulement entrouverte en pleine obscurité. Le café était bien sur avalé bouillant car il n'était plus temps de s'attarder, les meilleurs postes étant déjà occupé bien avant l'aurore. L'arrivée fébrile sur le lieux choisi,le montage du matériel,et enfin la délivrance de l'heure, je rends grâce à ma montre d'afficher enfin 8.00heures. Peu a peu la réalité remplace l'illusion des eaux trop hautes ou trop claires, le soleil dans le dos ,et cette ombre qui nous suit et dont on fait tout pour se débarrasser. La suite vous la connaissez …

Pour moi au fil des ans tous ces sentiments se sont un peu dilués, nos petits détaillants, où nous refaisions le monde de la pêche quelques jours plus tôt, ont disparu. Beaucoup de pêcheurs ont déserté les berges de rivières, elles aussi désertées par les poissons. Alors mon ouverture je la ferai plus tard, quand le mercure va monter un peu, parfaitement seul le long de ma rivière préférée. Je la ferai comme on fait un pèlerinage, sans doute je passerai plus de temps à regarder, et à m'émerveiller encore et toujours en osmose totale dans un environnement qui m'est si agréable. Si j'ai de la chance, la température sera douce et un léger crachin viendra brumisé dame nature qui dans ce cas m'offrira tous ces parfums, ses senteurs mélangées, que seul les gens qui ne craignent pas la pluie peuvent apprécier. Au fait avez vous remarqué comme les plantes exhalent de doux arômes sous une pluie printanière ? La pluie pourra me surprendre mais je connais suffisamment le secteur pour savoir où m'abriter. Il existe un trou entre les rochers que je retrouve tous les ans lors d'un copieux arrosage (de plus en plus rare). Là bien à l'abri je pourrai tout à loisir refaire mon bas de ligne, ou re-refaire l'inventaire de ma boite à mouche. Vous l'aviez compris Mon ouverture a lieu plus tard que celle du calendrier, et je la ferai à la mouche (sèche ou noyée) c'est selon. Peu m'importe si je ne prends rien, le rendez-vous avec mes amies les truites n'en sera que décalé dans le temps, mais pourquoi devrais-je me être désolé puisque je sais qu'il aura lieu un jour ou l'autre, et d'ailleurs je ne suis même pas certain que ce soit ce que je recherche en priorité ce jour la. Il est en notre belle Bretagne des endroits privilégiés pour les contemplatifs dont je fais parti. En tout cas moi j'ai les miens, et avec l'avènement de la photo gratuite on ne revient jamais bredouille. Ce jour-là ce premier jour de pêche a la mouche j'aurai besoin de solitude, de me retrouver avec ma rivière comme on peut aimer le faire avec une compagne. Une solitude a deux en quelques sorte, plus tard reviendront les sorties avec les amis, mais un peu plus tard seulement.